Jahn Ryan David

Ryan David Jahn, De bons voisins

cvt_De-bons-voisins_8575Tout commence par une histoire vraie. Celle de Kitty Genovese, assassinée en 1964 devant chez elle. Meurtre d’une banalité affligeante si ce n’était la presque indifférence des voisins de la victime. Personne n’appelât les secours, Kitty Genovese est morte seule dans une cour d’immeuble, au milieu de fenêtres éclairées et d’hommes et de femmes trop lâches ou trop inconscients pour intervenir.

Un fait divers triste, affligeant et révélateur de la nature de l’Homme. Mis en lumière par Ryan David Jahn dont c’est le premier roman.

Tout en scénarisant l’histoire, l’auteur a su rester fidèle à la réalité et, sachant cela, le récit prend une toute autre dimension. La fiction n’est ici, que prétexte à écriture et cette conscience d’explorer de vraies tranches de vies, de toucher du bout des doigts ces êtres ayant vécu amplifie la force émotionnelle qui se dégage de ce roman.

Le talent de l’auteur est tel que quelques phrases suffisent à condenser des vies entières. Des bouts d’existences, toutes différentes et pourtant si semblables face à la mort. C’est puissant et si tristement banal.

Ce récit est un chant polyphonique, conçu de toutes ces voix qui figèrent cet instant. Une longue complainte, presque un canon car chaque voix commence où se termine l’autre, chaque personnage apparaît là où l’autre disparaît. Toutes ces vies ne sont que des notes sur une partition qui chante la mort d’un être humain.

Et l’on comprend, finalement, que cette cacophonie n’est qu’un seul et unique chant, long et plaintif, reprenant à l’unisson leurs si précieuses petites vies et leurs égoïstes problèmes. On éclaire notre propre existence solitaire et nos yeux s’ouvrent sur une vérité terrible et pourtant si réelle : Nous sommes ces gens. Ils sont nous. Que voyons-nous des autres si ce n’est notre propre reflet ? L’intérêt que nous portons à l’autre n’est que passager et rapidement, notre regard s’en détourne pour ne voir et entendre que nos propres images et nos propres sons.

Ce récit très noir bouleverse et bouscule. Il frappe où nous n’aurions pas songé avoir mal. Il fait découvrir des zones douloureuses insoupçonnées qui, soyons honnêtes, disparaîtront rapidement au profit d’un individualisme tout humain.

La longue agonie d’une jeune femme meuble moins de 300 pages comme chacun de ces faits divers qui remplissent notre quotidien. Cela révolte, cela horrifie mais, constat déplaisant mais réaliste: cela soulage de voir le malheur frapper à la porte voisine…

 

 

Humeur musicale

Un très bon groupe de rock alternatif américain dont le nom ( « Le quartier » en français ) est parfaitement adapté au roman.

 

 

4ème de couv’

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New York, années 1960. Kat Marino, qui rentre tard chez elle, est agressée au couteau par un inconnu. De nombreux voisins sont témoins de la scène, mais personne n’avertira la police, persuadé que quelqu’un d’autre l’aura déjà fait. C’est le « bystander effect ». En donnant la parole à tous les protagonistes, ce roman noir polyphonique, dont l’action se concentre sur quelques heures, esquisse une tentative de généalogie de la violence contemporaine.

 

33 réponses »

    • Non je ne connaissais pas cette version . Je pense que le traitement est complètement différent. Celui ci est un roman chorale avec les visions en alternance de la victime, du meurtrier et des témoins.
      Je pense que ça doit être intéressant de lire les deux 🙂

  1. Superbe chronique as always. Tu nous immerges si bien dans l’ambiance du bouquin 🙂
    …mais j’ai l’impression que ce roman n’est pas pour moi. Je me trompe ?

  2. Depuis le temps qu’on m’en parle de ce roman, jamais franchi le pas, pourtant, pas que je veux pas, juste que j’y pense et puis j’oublie ♫ et que j’en ai tellement… mais faudrait que je le lise, absolument !! Vivement la retraite !

  3. hello,
    me tente bien celui là ma sœur
    tu le mets dans mon tas 😉
    ta chronique est si alléchante…..
    a bientôt.

  4. Oh et bien, malgré la tristesse de ce fait divers, je suis curieuse de voir ce que l’auteur en fait! Je pense que du coup, l’indifférence des uns fera l’intérêt des autres, donc c’est un bon pari pour cet auteur pour un premier roman….Je me le note aussi comme mes collègues, et merci pour la découverte!!!;)

  5. je l’ai eu entre les mains, j’en ai lu les 50 premières pages. Et puis, je me suis battue avec mon camarade du comité de lecture pour savoir qui repartirai avec ce premier roman. Et comme je suis bonne camarade, je le lui ai laissé. Mais je compte bien le récupérer une fois qu’il l’aura lu ! Surtout après tout le bien que tu en dis.
    Il était déjà noté mais comme Yvan, je le renote !
    Merci pour cette belle chronique ma belle 🙂

  6. Une découverte totale pour moi, je n’en avais jamais entendu parlé. Comment veut-tu que je ne le note pas !? 😉
    Surtout que ton avis me fait le rapprocher des deux derniers romand de Marie Neuser, qui sont des bijoux. J’ai raison ou pas de faire le rapprochement ?

A vot' bon coeur m'sieurs dames...