Barbato Paola

Paola Barbato, A mains nues

41vt7L5MnnL._SX195_Ces mains qui courent sur le clavier à l’instant précis ne connaissent pas la violence. Elles ne savent pas se battre, elles ignorent les coups alors même qu’elles auraient pu, en des temps éloignés, se défendre et apprendre à en donner. Ces mains-là traversent la vie en douceur, guidées par un esprit paisible et un corps qui ne connaît pas la violence. Elles tournent des pages qui elles, en sont remplies, certes… mais la violence de l’imaginaire tente de consoler celle du réel ** et elles en sont pleinement conscientes.

Alors, lorsque ces doigts frôlent la fureur d’un roman tel qu’  « A mains nues « , il arrive qu’ils ne comprennent pas cette transgression et cet acharnement. Cela les dépasse, ils ont besoin de temps pour en saisir le sens. De temps pour apprécier la teneur des mots et la tournure des phrases qu’ils jugent parfois sans transition.

Les yeux, quant à eux, glissent… presque indifférents sur la première partie du roman. Ils supportent mal ce déchaînement de sévices qui n’en finit pas et ces pages et ces pages d’enfermement, sans lumière aucune. Ils en deviennent presque aveugle aux détails, lisent et oublient aussitôt, ne développent pas l’empathie nécessaire. Pourtant, ils se rendent compte de l’intérêt du récit. Le syndrome de Stockholm est ici poussé à son extrême, il en devient cohérent. La dépersonnalisation de l’individu est telle que l’homme en redevient animal et que l’atavisme remporte la victoire.

L’iris se rétracte, attendant des détails inhérent à la sauvagerie du roman mais l’auteure a cette pudeur toute féminine qui rend la violence parfois juste suggérée, à peine évoquée. Là où il aurait été si commode de sombrer dans le sordide, Paola Barbato choisit de laisser la place à l’imagination qui fait le reste du travail et implante des images insoutenables.

Dans la seconde partie, l’esprit prend enfin l’ascendant et développe l’intérêt dont il a besoin pour découvrir et apprécier la profondeur du récit. Il voit Éros et Thanatos réunis en un seul homme… Il ressent « A mains nues » , presque comme un mythe revisité par l’auteure mais un mythe décadent, débordant de sauvagerie où la mort devient aseptisée et où il n’est nul besoin de s’appesantir sur une perte quelconque. Vivre ou survivre. Loi du plus fort.

500 pages de combats presque ininterrompus et fastidieux. 500 pages de coups, de sang, de morts. 500 pages ayant laissé au corps et à la tête un sentiment d’inégalité. Les mains ont tourné les feuilles de papier, les yeux ont envoyé les informations à l’esprit et ce dernier a tenté de les assimiler pour enfin subir le choc final, et il fut rude, de la toute dernière page. Il comprit alors la nécessité de ce cheminement ardu.

Là où le corps faiblit, l’esprit est là pour lui redonner force et courage. Les deux ne font qu’un et ce roman en est la démonstration criante. Ennuyeux puis presque fascinant : le paradoxe est saisissant et laisse tout sauf indifférent.

Paola Barbato maîtrise l’art du combat : jauger l’adversaire, parer les coups, asséner l’uppercut pour étourdir. Et puis mettre à mort…

**Roland Topor

 

Humeur musicale

Alanis Morissette est citée dans le roman. Voilà un de ses titres que je préfère:

 

 

4ème de couv’

 

 

Il a seize ans, une gueule d’ange, un avenir tout tracé. Un jour, il se rend compte qu’il peut tuer sans le moindre scrupule. Un monde nouveau220px-Paolona s’offre à lui. Davide a eu une enfance choyée et sans histoires. Un soir, lors d’une fête, il est kidnappé et enfermé à l’arrière d’un camion. Tapi dans le noir, un inconnu lui saute dessus et tente de le massacrer. Terrorisé, Davide agit par réflexe et tue son adversaire. Il est alors conduit dans une cave, où il rejoint d’autres prisonniers. Comme lui, ils sont là pour s’entraîner à combattre et intégrer un jour l’élite des tueurs. Abasourdi, Davide comprend que son seul moyen de survie est de tuer. Il remporte chacun de ses combats. Un jour il décide de s’enfuir, mais l’organisation ne l’entend pas de cette oreille. Naît-on assassin ? C’est la question que se pose Davide tout au long du roman lorsqu’il découvre qu’il peut tuer avec ses poings sans le moindre scrupule. Analyse psychologique très fine sur les rapports entre kidnappeur et otage, A mains nues raconte l’éducation par la violence d’un gladiateur des temps modernes.

 

24 réponses »

  1. Magnifique chronique je me demande pourquoi tu n’es pas écrivaine 😘😘😘personnellement j’avais bien aimé cette lecture, j’analyse moins que certains d’entre – vous certainement du faites que les mots me manquent parfois, une des raisons pour laquelle je les aime tant ces mots ,!par contre sont deuxième m’a déçu 😉

  2. j’ai lu un livre similaire de K. Giebel, je devrais aimer celui ci que je note…. ces jeunes formés pour tuer ne se rendent pas bien compte de ce qu’ils font, du moins dans le livre que j’ai lu qui s’appelle ET SATAN ETAIT UN ANGE…. ces jeunes font ces gestes naturellement, ils sont formatés, je vais commander ce livre 🙂
    qui a lu

  3. J’avais déjà vu passer une chronique de ce roman, je ne sais plus sur quel blog. Cette violence revendiquée et assumée m’avait un peu rebuté, et pourtant je ne suis pas une « danseuse ».
    Très belle chronique, en vérité.

    • Merci mon Vincent ☺
      Il est étonnant qu’une femme l ait écrit en fait. C’est vrai qu’il est construit sur la violence et je t’avoue avoir eu du mal à certains moments mais il en vaut la peine
      .

  4. J’avais déjà vu passer une chronique de ce roman, je ne sais plus sur quel blog. Cette violence revendiquée et assumée m’avait un peu rebuté, et pourtant je ne suis pas une « danseuse ».
    Très belle chronique, en vérité.

  5. J’ai ce roman chez moi depuis des lustres. Je n’ai jamais vraiment eu le courage de m’y pencher, sans doute inquiet de ce trop-plein de violence annoncé.
    Sachant que nous avons la même sensibilité, je verrai si je trouve le moment adéquat pour lire un tel roman.
    En tout cas, je suis à nouveau subjugué par la qualité de ton écriture, encore une chronique magnifique et touchante.

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