Deux choses me terrifient plus que tout hormis la mort : Perdre la vue et perdre la mémoire. Vieillir est une chose déjà suffisamment ignoble… Je ne sais ce qui est le plus terrible : ne plus voir les beautés de ce monde ou les visages aimés, ne plus être capable de lire et en être conscient ? Ou oublier sa vie, son nom, sa famille et ses amis sans s’en rendre compte ?
Cela doit être ça l’enfer : Plonger dans le néant en oubliant qui l’on est ou bien à quoi sert une fourchette.
Inutile de dire à quel point ce roman m’a touchée et dérangée.
Ce n’est pas l’intrigue qui prend le devant de la scène mais la construction. A travers les mots et les souvenirs d’une vieille femme atteinte d’Alzheimer, c’est l’évolution terrible de cette maladie qui est mise en avant. Pudiquement et délicatement, Emma Healey décrit l’inexorable déclin de Maud et sa régression vers un passé douloureux.
Ses phases de lucidité poignantes se font de plus en plus rares au fil des pages pour laisser la place à cet oubli qui n’a aucune pitié. Certaines scènes enserrent le cœur dans un étau tel ce passage où Maud se perd dans son quartier et jette des bonbons sur le trottoir comme une petite Poucette vieillissante, les retrouvant par la suite et les ramassant pour les manger.
Les tranches de vies en alternance se superposent l’une l’autre, Maud l’enfant se fond dans Maud l’aïeule. Ses faits et gestes sont presque similaires dans les époques différentes de sa vie, l’auteure se sert de fondus enchaînés comme pour appuyer le côté régressif inhérent à Alzheimer. Un exercice de style remarquable d’intelligence, de maîtrise et de sensibilité pour une jeune femme qui n’avait pas 30 ans lorsqu’elle a écrit ce roman.
J’aime les allégories et l’auteure s’en sert à merveille. Ainsi, Maud est tour à tour la mère-grand du Petit chaperon rouge se faisant dévorer par le loup/maladie et Alice au pays des merveilles, poursuivant sa mémoire/lapin blanc. En creusant le récit, le lecteur découvre une foultitude de rappel à ces contes qui accentuent l’effet pervers d’Alzheimer.
Merci à Emma Healey pour avoir su mettre en scène un de mes pires cauchemars avec tant de talent et d’avoir remué des souvenirs douloureux que je tente d’oublier tout en me faisant passer un très bon moment de lecture. Le paradoxe est réussi et l’émotion reste intacte même le livre achevé.
Humeur musicale
« Memories », un titre de Within Tempation.
4ème de couv’
Elizabeth a disparu. Maud ne cesse de retrouver des bouts de papier dans ses poches, avec ce simple message. Elizabeth a disparu. Le plus troublant : cest sa propre écriture. Mais elle ne se souvient pas avoir écrit ces mots. Maud ne se souvient dailleurs plus de grand-chose ces derniers temps. Elle ne se souvient plus de lheure, ni si elle a mangé ni si sa fille est venue la voir. Ce quelle sait, en revanche, cest quelle na pas vu sa vieille amie Elizabeth depuis longtemps. Trop longtemps. Lorsquelle tente dalerter ses proches, elle a droit à des sourires indulgents, personne ne la prend au sérieux, elle est septuagénaire et on la traite comme une enfant de 4 ans. Malgré tout, Maud est de plus en plus persuadée que quelque chose est arrivé à Elizabeth. De la même façon que quelque chose est arrivé, cinquante ans plus tôt, à sa propre sur aînée, Sakey, dont la disparition ne fut jamais élucidée. Maud ferait-elle un transfert inconscient ? Confondrait-elle le passé et le présent ? Mais ny a-t-il pas tout autant de mystères autour delle aujourdhui quà lépoque ? Maud va bientôt devoir remettre en question ses rares certitudes afin de faire la vérité sur son passé et sur son présent.
Sonatine, Mai 2014
Catégories :Healey Emma
Un livre inoubliable! Une auteure très très talentueuse! J’ai adoré!!! ❤
j’ai trouvé ça très émouvant 🙂
Ce bouquin a été une vrai découverte. Un premier roman comme je les aime.
C’est noir, c’est juste et tout en émotions.
Emotions que tu rends encore une fois parfaitement dans ta chronique.
Après ça que veux tu que l’on écrive sur ce titre. 😉
Très bon moment passé en compagnie de ce bouquin. L’auteure est jeune mais elle traite avec une incroyable justesse de la maladie d’Alzheimer.
c’est exactement ça. Comme on ne parle bien que de ce qu’on connaît, ça laisse deviner ce qu’elle peut vivre…
Le bouquin me botte pas mais ta chronique oui :-)))))
il a remué certaines choses en moi, c’est pour ça qu’il m’a marqué.
Et c’est surtout vraiment bien écrit 🙂
Ça te connaissant je n’en doute pas, vu ton talent 😉
t’es un chou 🙂
C’est vrai 😃
Ça a l air d un beau livre
De ceux qu’ on oublie pas
Si celà est ton pire cauchemar qu’ en sera t il de moi après sa lecture..
.il me tente mais me fait peur par avance…souvenirs récurrents… même si le sujet est différent
À bientôt
Un livre marquant en effet!!!J’en garde encore la peur sous jacente de cette lecture!!!!Chronique toute en sensibilité j’adore encore une fois!!!!;)
merci encore une fois alors 🙂
Yvan, WP m’a planter aussi ce matin (la faute est exprès) et il me sortait des error 504.
Nath, j’aurais peur aussi de perdre la vue, mais la mémoire, c’est encore pire je trouve… je ne dois pas oublier de lire ce roman et nous, on fera en sorte de ne pas s’oublier lorsque nous serons vieilles… pisser au lit, la pire des choses !
impossible de t’oublier 🙂
Al Zheimer est un salaud, tu sais… ma propre grand-mère ne sais parfois plus qui je suis, s’étonne que mon père (donc son fils) soit marié, et ne reconnait plus ses propres fils… dur la vieillisse ! :((
je comprends que tu as pu être touchée par ce livre, magnifique de sensibilité. Effectivement ce n’est pas l’intrigue qui compte, mais le personnage formidable et l’écriture de l’auteure
pinaise, t’as encore dégainé plus vite que ton ombre toi ! 🙂
c’est un hasard ;-). Vu que j’essaye de publier en vain depuis 6h du mat sur wordpress qui est complètement planté… ça revient lentement on dirait
quelle idée de se lever si tôt aussi 😉
Euh c’est toi qui me dit ça ? 😉